La conférence de Robert Strozzi

Jeudi 20 janvier 2022, à l’auditorium André Noël, Robert Strozzi nous a offert la première conférence de l’année organisée par les Amis du Vieil Istres. Une conférence maitrisée et intitulée : Proxénétisme et Grand Banditisme au XVe siècle : autopsie d’un procès criminel sous le roi René.

Au cours du XVe siècle, la Provence est passée sous les mains de René 1er dit le Bon Roi René. Une région éprouvée (entre autres) par la Peste Noire (1348) qui impliqua disette et famine pendant plusieurs décennies, par les attaques de pirates barbaresques sur la région côtière et bien sûr par la Guerre de 100 ans. Notre Bon Roi René trouva alors un pays meurtri et saigné à blanc où le paupérisme et l’errance avaient engendré délits et meurtres. Les femmes étaient souvent les victimes de cette pauvreté. En effet, la plupart d’entre elles devaient recourir à la mendicité et à la prostitution … sous la houlette de proxénètes.

L’histoire que nous a relaté Robert, remonte au 9 juin 1439. Ce jour-là, un malfrat (Guillaume Goy dit Maltostens) est arrêté dans le village de Goult, près d’Apt dans le Vaucluse. Il venait de vendre une femme mariée à un autre ruffian : Pierre Archilon. Deux jours plus tard, Nicolas Hugoleni, fils du seigneur de Goult, le signale au juge royal pour que celui-ci prenne l’affaire en mains car le prisonnier se trouvait au centre d’une affaire dépassant le cadre de la justice seigneuriale.

Robert Strozzi durant sa conférence, assisté pour les illustrations par Yolande Issert.

 

Interrogé, Maltostens reconnait son trafic de femmes. Il avoue avoir participé (comme guetteur et avec des complices dont Pierre Archilon) au meurtre d’un un jeune clerc de 25 ans au Pas de la Boissière pour récupérer sa bourse remplie d’écus d’or. De son côté, Archilon venait d’être arrêté et emprisonné à Vaucluse (Fontaine-de-Vaucluse aujourd’hui et sous juridiction papale à cette époque). Cependant, lors de son interrogatoire, il nie toute implication au sujet du meurtre du jeune clerc.

L’enquête s’élargit de plus en plus. Trois autres complices sont arrêtés à Noves, l’Isle-sur-la-Sorgue et à Barrême dans les Alpes. Sous la pression des interrogatoires, ils avouent, chacun à leur tour, de nouveaux crimes commis en présence d’Archilon.

Le procès de Maltostens a duré trois mois jusqu’à son verdict le 2 septembre 1439. Maltostens est alors condamné à mort. Quelques jours après, il est pendu à la corde de chanvre au lieu-dit de son crime : le Pas de la Boissière.

Nécessitant des enquêtes successives et d’autres interrogatoires dus à de faux alibis et autres rétractations, le procès d’Archilon dura 5 mois. Déjà condamné plusieurs fois pour vol, Archilon s’est révélé être un souteneur de femmes publiques, vivant de l’argent des autres. Un argent honteusement gagné. Le juge Tesseyre a pu cependant reconstituer quelques affaires de pauvres femmes auxquelles Archilon était mêlé à Avignon, Arles, Lunel, Uzès, Caderousse … Dans toutes ces communes, des femmes soustraites à des barbeaux étaient achetées par ce caïd pour les revendre et les mettre à la disposition d’abbesses de bordels. Sous la torture, Archilon avoua d’autres délits mais continua de nier tout assassinat. Cependant, sa liste de reproches s’était tellement allongée qu’il fut lui aussi condamné à être pendu au Pas de la Boissière le 21 novembre 1439.

Robert Strozzi remercié en fin de conférence par John Patrick Fano.

 

La résolution de cette affaire découle d’une efficace collaboration entre les justices seigneuriale, comtale et pontificale ainsi qu’à la volonté du Bon Roi René qui, depuis son palais de Naples, suivait l’affaire de près et envoyait des instructions afin de nettoyer le pays de tous ces assassins et autres brigands de grands chemins.

Prochaine conférence : jeudi 24 février 2022, 18h00 à l’auditorium André Noël : César de Nostradamus, historien de Provence, 1553-1631 par Clément Moynault, président d’Histoire et Traditions gransoises.
Publié dans AVI