L’abbaye de Saint-Gervais à Fos

Membre du conseil d’administration de l’association, Robert Strozzi nous a offert ce mardi 6 février, la seconde conférence de l’année 2018, organisée par les Amis du Vieil Istres : Les seigneurs de Fos et la vie religieuse aux abords de l’an mil : l’abbaye oubliée de Saint-Gervais.

Robert a d’abord relaté l’histoire de Fos depuis l’âge du Bronze jusqu’au Xe siècle et plus particulièrement l’année 920 où la garde du château de Fos (Castrum de Fossis sur la colline de l’Hauture) fut confiée par Manassès, archevêque d’Arles, à une famille, de souche locale, qui donnera naissance à la lignée des seigneurs de Fos. Après cette présentation, le sujet du jour était pleinement abordé : l’abbaye de Saint-Gervais, qui fut à l’origine une simple chapelle construite par cette nouvelle famille seigneuriale de Fos afin d’asseoir son prestige par la création et la protection d’églises relevant de son domaine. La chapelle, future abbaye, prenait place sur la pointe de l’anse Saint-Gervais, proche du port antique de Fossis Marianis qui fut l’un des plus actifs du monde romain.

En 989, un prêtre nommé Paton s’installe avec quelques frères autour de la chapelle. Le petit prieuré, devient abbaye et applique la règle de Saint-Benoit, une règle écrite par Benoît de Nursie au VIe siècle pour guider ses disciples dans la vie communautaire et qui gouverne en détails la vie monastique. Au cours de ce Xe siècle, l’abbé Maïeul, à la tête de la Congrégation de Cluny, va donner une impulsion capitale à la renaissance monastique en Provence.

L’Hauture, fief des seigneurs de Fos (dessin de Robert Strozzi)

La famille de Fos, fondatrice de l’abbaye de Saint-Gervais sur ses propres alleux, refuse en 1018 de reconnaitre la suzeraineté de Guillaume II, comte de Provence et de lui restituer l’abbaye. Ce qui engendra des conflits armés durant quelques décennies. Fos abdiquera en 1056 mais cette soumission est probablement obtenue par la négociation car Rostaing, fils de Gui de Fos, est désigné archevêque d’Aix, une nomination qui n’aurait pu se faire sans l’accord du comte de Provence.

En 1081, l’Archevêque d’Aix Rostaing confie l’abbaye de Saint-Gervais à l’Ordre de Cluny : la Réforme grégorienne y est appliquée. Les archevêques d’Arles n’exercent désormais plus aucune autorité sur Saint-Gervais ainsi que sur ses nombreuses et riches dépendances.

Saint-Gervais va ainsi rester une abbaye clunisienne jusqu’au XIIIe siècle au cours duquel, la famille des seigneurs de Fos est ruinée. La décadence de la famille fondatrice entraîne inévitablement le déclin de l’abbaye. Les seigneurs fosséens sont amenés à cohabiter avec la famille Porcellet, d’Arles. Dans le même temps, l’Ordre de Cîteaux étend son influence au détriment de Cluny. L’éloignement de Saint-Gervais à la Maison mère favorise une propension à l’indépendance. Ainsi, Saint-Gervais qui a perdu ses repères, perd également son appartenance à Cluny. L’abbaye disparaît alors dans la charte du monastère de Fos. L’archevêque d’Arles la reprend en main, ainsi que ses dépendances.

Mais la situation financière se dégrade et les mœurs internes de l’abbaye se relâchent, la faute à quelques moines qui se jouent des règles et transgressent les interdits. Les moines sont remerciés par le pape et remplacés par des chanoines. La situation de l’abbaye ne s’améliore pas et les chanoines sont à leur tour chassés par des moines de Saint-Gilles-du-Gard, plus motivés sans doute par l’appât du gain que par compassion envers leurs frères de Fos …

En 1423, Saint-Gervais ne sera plus désigné que comme simple prieuré rural. Il va bientôt disparaitre … sous la mer qui a lentement et méthodiquement, envahi ce site chargé d’histoire.

Robert Strozzi pendant sa conférence et remercié par Pierre Fontaine.